Littérature

Mahmoud ou la montée des eaux

de Antoine Wauters

Syrie. Un vieil homme rame à bord de sa barque, seul au milieu d’une immense étendue d’eau. En dessous, sa maison d’enfance, engloutie par le lac El Assad, né de la construction du barrage de Tabqa en 1973 par le père de Bachar El Assad. Fermant les yeux sur la guerre qui gronde, muni d’un masque et d’un tuba, il plonge – et c’est sa vie entière qu’il revoit, ses enfants, Sarah, sa femme, folle amoureuse de poésie, la prison, sa soif de liberté.

Gros coup de cœur pour ce roman écrit en vers libres, comme un long poème, aussi sombre que splendide grâce à une écriture poétique, juste et lumineuse. À chaque fois que Mahmoud plonge, on plonge avec lui. Quand il était professeur de lettres et auteur de recueils appréciés à Damas autant qu’à Paris. Un peu plus profond et l’on rencontre ses parents, son village, sa maison. Un autre plongeon dans ses amours perdus, ses enfants disparus… la guerre, la barbarie et l’effroi. Chaque plongée est une immersion dans son histoire mais aussi dans une partie de l’Histoire, celle de l’arrivée au pouvoir de Bachar El Assad, le début d’une guerre qui n’en finit jamais.

Antoine Wauters nous offre un superbe roman qui réaffirme la puissance des mots pour désigner l’indicible.

De sel et de sang

de Fred paronuzzi & vincent djinda

Ce mois d’août 1893 aurait pu disparaître des mémoires. Dans les marais salants d’Aigues-Mortes, une rixe éclate entre ouvriers français et saisonniers italiens. La ville gronde d’une colère folle. L’étranger devient un animal à abattre, sans état d’âme. Saura-t-on jamais ce qui a déclenché une telle folie ? 

Une très belle BD qui témoigne d’une page d’histoire peu connue. Une histoire de souffrance, d’injustice et de colère. De ce cocktail explosif va naître la haine, la mort et le désespoir. Témoignage, aussi, du gouffre qui sépare les riches complètement déconnectés de la réalité et les pauvres qui travaillent dans des conditions atroces, du racisme larvé qui empoisonne les esprits… Rien de très nouveau en somme… hélas.

les envolés

de étienne kern

Très belle lecture, un Goncourt 2022 du premier roman, bien mérité. Un sujet étonnant, l’histoire de Franz Reichelt qui saute du premier étage de la tour Eiffel pensant inventer le premier parachute et qui se tue le 4 février 1912. Contre l’avis des experts et persuadé que ses nombreux essais (ratés) avec des mannequins ne reflètent pas la réalité, il se retrouve sur la rembarde métallique du premier étage de la tour et saute. Destin tragique comme beaucoup de pionniers de cette époque notamment dans le milieu de l’aéronautique. Un hommage pour ces hommes et ces femmes qui ont lutté pour le progrès, pour une vie meilleure…

En alternance avec ce récit historique haletant, l’auteur nous livre aussi le déroulement de ses propres pensées et se confie sur ses expériences douloureuses. Très touchant.

quand tu écouteras cette chanson

de lola lafon

Coup de poing, coup de cœur. Décidément Lola Lafon ne cesse de nous émouvoir. Un sujet délicat et pas très glamour à première vue : passer une nuit dans le musée dédié à Anne Franck à Amsterdam, cette annexe durant laquelle 8 personnes dont la famille Franck ont vécu clandestins pendant deux ans. 

On passe donc cette nuit spéciale à ses côtés et on ne le regrette vraiment pas. Avec pudeur et sensibilité Lola Lafon nous raconte l’histoire de cette gamine devenue emblématique. Elle nous fait revivre à travers ces témoignages, cette époque inimaginable, ce cauchemar honteux pour l’espèce humaine, cette injustice, cette haine absurde. 

On découvre en écho sa propre histoire familiale jusqu’au dénouement très émouvant.

Blackwater

de Michael mcdowell

Blackwater est une saga historique et familiale, avec une pointe de fantastique, agencée en série de 6 épisodes. Traduite pour la première fois en français, elle fut écrite par Michael McDowell, scénariste de Beetlejuice et de l’Étrange Noël de Monsieur Jack, admiré par Stephen King et Steven Spielberg. Le premier épisode commence en 1919 à Perdido, une petite ville de l’Alabama. Lors d’une crue qui inonde la ville, Oscar, le fils du clan Caskey, vient au secours d’Elinor, une jeune femme mystérieuse aux cheveux rouges comme la rivière. Malgré les étranges événements qui l’entourent, elle va peu à peu s’immiscer au sein de la famille Caskey, dirigée d’une main de fer par la matriarche Mary-Love. C’est le début d’une longue lutte de pouvoir et d’influence entre les deux femmes… L’écriture est fluide, les personnages ambigus, tour à tour attachants ou agaçants, et le suspense redoutablement efficace ! Pour ne rien gâcher, les illustrations des couvertures sont magnifiquement travaillées. Effet addictif garanti ! 

Solo leveling t.1

de Chugong & dubu

Adaptation au format papier du webtoon éponyme, lui même adapté du roman sud-coréen de même nom, Solo Leveling narre l’histoire originale de Sung Jinwoo, le plus mauvais des chasseurs de rang E. Dix ans avant le début de l’histoire, la terre fut envahie de monstres venus de mondes parallèles à travers des “portails dimensionnels” ; en même temps, certains humains développèrent des capacités hors du commun : les chasseurs. 

Jinwoo se retrouve forcé, pour sauver sa mère de la maladie et pour nourrir sa sœur, de prendre le rôle de son père disparu. Malgré son niveau dérisoire, il prend parti d’un groupe de chasse (en gros, il porte les sacs…) pour gagner l’argent qu’on veut bien lui donner. Mais l’une de ses chasses tourne au drame, et il subit un double éveil, lui donnant accès à une “interface” (comme dans un jeu vidéo), devenant ainsi le seul chasseur qui peut améliorer ses compétences et en débloquer de nouvelles. Jusqu’où Jinwoo peut-il aller pour surmonter les défis qui lui sont soumis ? Qui est à l’origine de son double éveil ? Une histoire prenante au dessin soigné tout en couleur : j’en redemande !

Terra Nullius

De Victor Guilbert

Hugo Boloren, jeune inspecteur, entend à la radio qu’un enfant d’une dizaine d’années, Jimcaale, vient de se faire agresser dans la plus grande décharge publique de France coincée à la frontière franco-belge et jouxtant un étonnant bidonville. Son instinct lui murmure d’aller jeter un œil…

Régalant ! On retrouve Hugo et sa bille qui fait ding dans sa tête pour ce deuxième roman plein de surprises et d’humour. Il va devoir démêler une histoire abracadabrante semée d’embûches dans un univers atypique. Une enquête très originale, servie par des protagonistes chaleureux et attachants. Du suspens et un final à la hauteur. Que demander de plus ? Il y a du Fred Vargas chez Victor Guilbert !

Celui qui n’était pas un meurtrier

De hjorth & rosenfeldt

Lorsque le corps d’un adolescent est retrouvé le cœur arraché dans un marais près de Västerås, la police s’embourbe et doit faire appel au brillant mais antipathique profileur Sebastian Bergman, au grand dam des enquêteurs.

Première enquête de Sebastian Bergman, psychologue pour la police. Un homme ravagé par le deuil de sa femme et de sa petite fille emportées par le tsunami de 2004. Il ne s’en est jamais remis et passe d’une femme à l’autre sans états d’âme et sans lendemain. Il couche même avec les potentielles coupables ! Désagréable et au franc parlé il agace toute l’équipe qu’il a intégrée pour résoudre un meurtre improbable. Il fait équipe avec son ancien mentor Torkel, Billy le spécialiste informatique, Anja la super fliquette et Ursula la légiste (qui a un passif avec notre héros)… Sébastian ne s’embarrasse de rien mais il est bon, très bon et grâce à lui on découvre le pot aux roses sur cette affaire de crimes incompréhensibles.

Sont déjà parus 4 autres volumes à la suite de ce premier opus et on n’est jamais déçu. Des personnages de plus en plus étoffés et attachants autour d’enquêtes addictives. Vivement le prochain !

librairie Un point un trait

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