Interview

Questions à Olivier Barde-cabuçon

© Editions Gallimard - Francesca Mantovani

ClM : Un rythme soutenu, des effets de cliffhanger, des personnages campés, machination, intrigue, complot, on se croirait au cinéma. Généralement, c’est le cinéma qui s’inspire de la littérature, quelle a été votre inspiration ?

O.B-C. : Probablement les films avec Bogart mais ils sont quand même liés à la littérature. J’ai adoré écrire à la première personne et être ainsi au cœur de l’action et des pensées de Vicky Mallone.

ClM : Mélange de l’extravagance d’Hollywood et du puritanisme américain, qu’est ce que le code Hays qui régit le cinéma américain et qui est rappelé à chaque en-tête de chapitre ?

O.B-C. : Trop en avance sur son temps, le cinéma allait faire l’objet d’une loi de censure. Les malins producteurs d’Hollywood ont pris les devants en faisant écrire à un presbytérien irréprochable, William Hays, un code de bonne conduite. C’est l’auto-censure plutôt que la censure ! Après cela, réalisateurs et scénaristes jouaient avec les censeurs. Pour désobéir sans être sanctionné, Alfred Hitchcock fait passer un train dans un tunnel pendant qu’un couple s’embrasse. A la sortie, ils sont toujours à l’œuvre et, au final, il ne dépassera officiellement pas la longueur autorisée pour un baiser.

ClM : Un rythme soutenu, des effets de cliffhanger, des personnages campés, machination, intrigue, complot, on se croirait au cinéma. Généralement, c’est le cinéma qui s’inspire de la littérature, quelle a été votre inspiration ?

O.B-C. : Probablement les films avec Bogart mais ils sont quand même liés à la littérature. J’ai adoré écrire à la première personne et être ainsi au cœur de l’action et des pensées de Vicky Mallone.

ClM : Mélange de l’extravagance d’Hollywood et du puritanisme américain, qu’est ce que le code Hays qui régit le cinéma américain et qui est rappelé à chaque en-tête de chapitre ?

O.B-C. : Trop en avance sur son temps, le cinéma allait faire l’objet d’une loi de censure. Les malins producteurs d’Hollywood ont pris les devants en faisant écrire à un presbytérien irréprochable, William Hays, un code de bonne conduite. C’est l’auto-censure plutôt que la censure ! Après cela, réalisateurs et scénaristes jouaient avec les censeurs. Pour désobéir sans être sanctionné, Alfred Hitchcock fait passer un train dans un tunnel pendant qu’un couple s’embrasse. A la sortie, ils sont toujours à l’œuvre et, au final, il ne dépassera officiellement pas la longueur autorisée pour un baiser.

ClM : J’imagine que le juriste que vous êtes laisse le lecteur vérifier la bonne application du code ?

O.B-C. : Il lui sera utile de visionner ce que l’on appelle l’âge d’or d’Hollywood non censuré à l’âge d’or sous version code Hays. Et on comprendra aussi pourquoi une actrice asiatique n’est pas prise pour incarner une asiatique mais remplacée par une blanche (les relations intimes interraciales sont interdites à l’écran).

ClM : Quelle a été l’idée originelle sur laquelle vous avez eu envie de broder ?

O.B-C. : Une simple vidéo sur YouTube : un montage de quelques minutes d’un film en noir et blanc avec Veronica Lake pour illustrer la chanson Love is blue. En fait il est devenu noir ! Et blanc !

ClM : Le cinéma a-t-il toujours autant d’influence sur l’opinion ?

O.B-C. : 80 millions de spectateurs par semaine en salle : une force de frappe terrible ! Il a commencé à la perdre avec l’apparition de la télévision, puis d’Internet, puis des séries. Mais les acteurs et actrices, on l’a vu récemment, savent toujours afficher leur opinion.

ClM : Vous jouez avec nous, en glissant des remarques qui font écho à l’actualité d’aujourd’hui, American First, ou des expressions telles que “balance ton nazi”. Est-ce qu’écrire une histoire dans le passé est une façon de mieux raconter le présent ?

O.B-C. : Oui, indubitablement. J’aime faire dire à Vicky Mallone : Sérieux ? Écrire un polar qui se déroule au XXe siècle, c’est découvrir bien des intemporalités : la même Amérique divisée en deux, une réformiste et une très conservatrice, l’antisémitisme, le complotisme, les préjugés, la puissance des évangélistes, l’engagement politique d’Hollywood…

ClM : Le complotisme est toujours d’actualité, vous en donnez même une définition (p. 98) “tout ce qui ne va pas sur terre est la faute de l’autre”, est-ce votre participation à l’éveil de l’esprit critique ?

O.B-C. : Oui, voilà ! Pas de liberté de penser sans esprit critique. C’est un leitmotiv de mon œuvre alors qu’aujourd’hui certains ne se nourrissent plus que de ce que disent les gens qui pensent comme eux.

ClM : Vos détectives, qu’ils soient sous Louis XV ou sous Roosevelt, sont des personnages qui s’opposent au “mal”. Vos romans sont-ils un prétexte pour raconter la nature humaine ?

O.B-C. : La nature humaine est vacillante, entre noir et blanc comme le cinéma de l’époque mais j’aime que mon personnage principal, même borderline, sache choisir son camp.

“Je n’ose déjà pas battre les cartes parce qu’il y a des dames dedans”

ClM : Il y a une certaine jubilation à suivre les personnages de Vicky Mallone et d’Arkel. D’où vous est venu l’idée d’ajouter Errol Flynn ?

O.B-C. : Grâce à mon libraire ! Dans sa vitrine, je découvre un jour les mémoires d’Errol Flynn. Je suis entré, j’ai acheté. J’ai découvert un sympathique fripon et un type suffisamment déjanté pour m’intéresser ! Pensez à ses courses de lévriers…

ClM : P. 345, “Dès l’enfance, l’être humain passe son temps à dissimuler sa pensée…”. Cette question du mensonge, est-ce un reste de votre “fréquentation” avec Freud et Jung dans Le détective de Freud ?

O.B-C. : Oui. D’ailleurs, une enquête, ce n’est pas seulement trouver un, une ou des coupables mais découvrir qui se cache derrière le masque qu’il porte en société.

ClM : Vous critiquez un des artifices du cinéma qu’est le flashback, que vous qualifiez de faiblesse de scénario (p. 399), avez-vous un exemple qui vous a particulièrement agacé ?

O.B-C. : En fait, c’est un clin d’œil à un producteur avec qui j’ai travaillé pour l’adaptation d’un de mes romans. Pour lui, le flashback est un aveu d’impuissance à décrire une situation ! Cela m’a marqué !

ClM : Il y a un certain nombre de formulations qui marquent votre style direct et traversent votre écriture, “tous les connards ne sont pas des menteurs, juste des gens pétrifiés dans leurs certitudes” (p. 404) ou “je n’ose déjà pas battre les cartes parce qu’il y a des dames dedans” (p. 309). Comment travaillez-vous ces tournures ?

O.B-C. : En fait, je ne les travaille pas. À mon second café, elles viennent très naturellement quand je suis dans l’ambiance du livre et du personnage. Je me mets alors à penser et parler comme Vicky Mallone ou Arkel.

ClM : Avez-vous écrit dans l’ambiance musicale de Dinah Shore que Vicky Mallone met en fond sonore lors d’un dîner avec Sybil (p. 388) ?

O.B-C. : Oui, exactement ! Pour chaque livre, j’écris en musique avec une playlist adéquate. Les Andrews Sisters et Dinah Shore m’ont accompagné à Hollywood ainsi que Marlène Dietrich. Sur mon Facebook, j’ai laissé ma playlist si vous êtes intéressé !

ROMAN : 416 pages
Éditeur : Gallimard
Parution : mars 2023
ISBN : 9782072960925

ClM : Un grand merci pour les réponses ; nous aurons le plaisir d’échanger et de partager un moment privilégié lors de votre venue au festival un point un trait à Lodève le 9 septembre !

Stephan Pahl

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