Littérature

Strange Pictures

de Uketsu

Uketsu est l’écrivain le plus vendu au Japon, et le leader de la nouvelle vague des auteurs de thrillers et d’horreur. Artiste complet, il écrit, dessine, publie des vidéos d’horreur et de suspense et compose de la musique. On ne connaît pas sa véritable identité, il apparaît toujours vêtu de noir avec un masque blanc.

Très belle surprise ! Nous menons l’enquête en même temps que les personnages à l’aide de dessins, de croquis et de tableaux et nous suivons plusieurs histoires sur différentes époques qui finissent toutes par s’assembler et s’éclairer à la fin. Il y a de bonnes trouvailles, l’auteur nous donne l’impression d’être de vrais petits psychologues qui décortiquent peu à peu la psyché humaine d’individus perturbés depuis l’enfance, victimes de violence et de maltraitance. Glaçant, original et très addictif !

Époque

de Laura Poggioli

Une psychologue se rend pour un stage dans un centre d’addictologie destiné aux enfants et adolescents accros aux écrans. On la suit auprès de cette génération dévastée par les dérives de la technologie et, par effet de miroir, dans les méandres de ses propres addictions. Entre le documentaire et l’autofiction, Laura Poggioli livre ici un récit alarmant sur les failles de notre société hyper connectée (cyber-harcèlement, aliénation et déconnexion de la réalité) et nous invite dans le quotidien de ces thérapeutes dévoués qui tentent tant bien que mal de défendre les jeunes face à cette menace grandissante.
L’écriture extrêmement réaliste nous rend leurs différentes expériences douloureusement proches et porte un regard lucide sur ces questions très contemporaines.
Un livre terrifiant mais tristement nécessaire.

Gracier la bête

de Gabrielle Massat

Officiellement, la villa des Prunelliers est un foyer d’accueil d’urgence pour mineurs ; en réalité, c’est là où on envoie les enfants placés dont le système ne veut plus, et où les éducateurs en sous-nombre finissent tous par craquer. Quand Till, l’un d’eux, finit par lever la main sur Audrey, 14 ans.

Avec beaucoup de sobriété et justesse, l’auteure retrace le parcours chaotique d’un éducateur spécialisé qui vrille. Témoin de violence depuis son enfance, Till voue sa vie à réparer les dégâts perpétués par des familles toxiques sur ces jeunes paumés. Mais un jour, par sa faute, Audrey fugue et se fait renverser par un chauffard. Alors qu’elle est dans le coma, Till va tout mettre en œuvre pour retrouver la mère d’Audrey qui a disparu. Débute alors, une spirale sombre dans laquelle il s’engouffre.

Un sujet délicat et rarement abordé parfaitement maîtrisé. Un récit qui coule de source et des personnages plus vrais que nature. Très belle réussite.

Journal inquiet d’Istanbul t.2

de Ersin Karabulut

Le récit autobiographique d’un dessinateur de la presse satirique en Turquie.

Après un premier tome axé sur son enfance, Ersin Karabulut nous raconte son parcours pour devenir auteur de BD et ses premières années dans la presse satirique, au moment où le régime autoritaire d’Erdogan se durcit. On y assiste aux manifestations et protestations d’une partie du peuple tandis que la répression et la censure s’accentuent. On apprend beaucoup sur la politique turque des dernières décennies, dans un pays où la fracture entre les modes de vie tend à s’accroître.
Le dessin passe du réalisme à la caricature avec beaucoup de fluidité et l’humour est omniprésent, malgré la noirceur du propos. Ersin Karabulut nous livre ici un récit sincère et touchant, plein de finesse et sans aucune complaisance, ni avec le régime, ni avec lui-même.

La fertilité du mal

de Amara Lakhous

Oran, le 5 juillet 2018, fête de l’Indépendance en Algérie. Soltani, colonel spécialisé dans l’antiterrorisme, doit renoncer à profiter de ce jour férié : son supérieur l’a débusqué chez sa maîtresse, où il se pensait injoignable. Car l’affaire est grave. Un ancien combattant du FLN, membre des services de renseignement et magnat du pouvoir algérien, a été retrouvé mutilé et égorgé. 

Ce polar algérien qui alterne passé/présent mérite le détour. D’abord parce que l’enquête est prenante et qu’une petite révision historique sur cette période (de 1958 à nos jours) n’est pas superflue. Indépendance de l’Algérie, FLN, OAS, meurtres, représailles, tortures, exil, montée de l’islamisme, terrorisme… tout y passe. On se doute dès les premières pages que l’enquête va nous mener dans ce passé trouble, vers ceux qui ont profité du système, les lâches qui ont trahi, conspiré pour asseoir leur pouvoir et accroître leur puissance… jusqu’à l’impensable.

PRICE

de Steve Tesich

Ce premier roman de Steve Tesich, publié pour la première fois en 1982, se déroule dans l’Amérique des années 60 et raconte l’été de Daniel, un adolescent de 17 ans qui vient de terminer ses études et s’apprête à basculer dans le monde des adultes. Malgré son côté rêveur et son incapacité à se projeter dans l’avenir, cet été va être riche d’enseignements : un premier amour avec l’insaisissable Rachel, les trajectoires divergentes de ses deux amis et la maladie de son père, avec lequel il entretient une relation ambiguë et conflictuelle.
Steve Tesich a le don de nous raconter cette histoire banale avec tant de force et de finesse qu’on (re)plonge avec Daniel dans les tourments des premiers émois. A travers les doutes et les errements de ce jeune homme maladroit, il explore les thèmes de l’amour et de la famille, mais également de la vérité et du renoncement. 
Un magnifique roman initiatique, exhumé par l’excellente maison d’édition Monsieur Toussaint Louverture.

À l’ombre de Winnicott

de Ludovic Manchette & Christian Niemiec

Sussex, Angleterre, 1934. Archibald et Lucille Montgomery confient à Viviane Lombard, une Française à l’attitude et au franc-parler peu ordinaires, l’éducation de George, leur jeune fils aveugle. 

“Il y a beaucoup de monde !” remarqua la visiteuse à peine entrée. Lucille compta.
“Nous sommes huit. Neuf avec vous.
– Je ne parlais pas des vivants.” 

Petit coup de foudre pour ce troisième roman à 4 mains. C’est à la fois désuet comme un bon Agatha Christie et en même temps moderne par les images que le récit évoque. On ne s’ennuie pas une seconde, c’est un huis clos comme je les affectionne, avec des dialogues plus vrais que nature, du cocasse, de l’humour (on rit souvent), une prose raffinée et subtile et du mystère. Dans le fameux manoir de Winnicott, on croise des fantômes, des personnages très attachants, et en particulier George l’enfant aveugle de 10 ans entouré d’adultes à son service. Bref, comme dirait le héros, c’est truculent !

L’invention de la mer

de Laure Limongi

La chimère poulpe Violeta Benedetti-Ogundipe rassemble au sein de L’Invention de la mer deux manuscrits écrits par des chimères cétacé et crustacé et les commente en donnant des clés scientifiques, poétiques, historiques. Se livrent ainsi, comme des contes et légendes, les histoires de Gina de Galène, chimère cachalot qui raconte les souffrances de sa lignée et la légende de son aïeule, et de Ménippe Zahlé, chimère crabe qui, après un séjour en prison, fait de la lutte en récitant des vers.

Ce conte futuro-poétique, drôle, enthousiasmant, déploie un imaginaire délicieux et absolument merveilleux. On plonge littéralement dans l’écriture presque expérimentale mais aussi très documentée de Laure Limongi. Un tour de force qui fait bouger notre conception du monde animal et dont on pourrait bien s’inspirer pour redéfinir notrecondition d’humain !

librairie Un point un trait

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